
On a bien peu de renseignements sur la vie d’un homme qui a marqué d’une empreinte ineffaçable l’histoire de la ville de Céret. Rien, semble-t-il ne le destinait au rôle éminent qui sera le sien. Il est né au n°4 de la rue Marivaux à Perpignan, le domicile de ses parents, Ernestine Aribaud, née Audouy, et Joseph Aribaud(Maury,Pyrénées Orientales 25 mai 1842 - Céret, Pyrénées Orientales,15 mars 1913) receveur-buraliste des contributions indirectes, chevalier de la Légion d’Honneur par décret du Ministère de la guerre du 21 août 1871.
Michel Aribaud passera la plus grande partie de son existence à Céret où s’installeront ses parents et où il exercera très jeune la profession de négocianten vins. Le 16 novembre 1901, il épouse Marie Steva,née à Céret et fille d’un médecin de la commune ; outre son oncle Edouard Audouy, négociant également, il aura pour témoin de mariage son ami Pierre Camo**, étudiant en droit qui deviendra le poète du « Jardin de la Sagesse » et fils du docteur du n°12 de la rue Saint-Ferréol. Ce jeune intellectuel ainsi que Jean Amade**, le futur agrégé d’espagnol, poète et ardent défenseur de la langue et de la culture catalanes, fils d’Adrien Amade, l’agent voyer de la commune qui créera de la chorale « les Chanteurs Catalans », seront pour lui une caution solide aux yeux d’une population surprise de voir ce notable souvent attablé à la terrasse du Grand Café avec d’étranges personnages venant de Paris.
Le rôle essentiel de Michel Aribaud dans l’histoire de Céret c’est d’abord d’avoir créé les conditions favorables pour que les artistes qui vont se succéder à partir de la fin 1909 décident d’y travailler un certain temps, voire même de s’y installer. Manolo Hugué** et son épouse Totote, Frank Burty Haviland** les premiers, puis Déodat de Séverac** deviendront ses amis, Déodat de Séverac tout particulièrement. Aribaud était un fin connaisseur de plats recherchés et de bons vins, comme le musicien, et deux photos de Séverac avec sa femme en compagnie du couple Aribaud attestent des réceptions dans son mas de la route de Maureillas. Propriétaire terrien et bon connaisseur du terrain, il aidera ponctuellement à l’hébergement des artistes de passage. Il sera aussi leur premier acheteur et Auguste Herbin immortalisera en 1913 ce généreux mécène jovial, bon vivant et aimable compagnon dans un portrait plein d’humanité qui fait partie des collections permanentes du Musée d’Art Moderne de Céret.
C’est ensuite d’avoir fait don à la ville à la fin de sa vie de toutes les œuvres achetées (une dizaine dont des œuvres de Manolo, Herbin, Kisling, Sunyer) dans l’intention de créer un musée. Etaient ajoutées à ce don exceptionnel sa bibliothèque et une somme de dix mille francs pour l’aménagement de l’ensemble.
Céret lui doit aussi la connaissance des événements importants qui ont marqué sa longue histoire. La passion qu’Aribaud portait à sa ville l’a conduit, dès 1909, à la découverte de son histoire en dépouillant ses archives, et en prolongeant ses découvertes par l’exploration des archives départementales, des archives historiques de Barcelone, celles de la couronne d’Aragon et la Bibliothèque des Etudes Catalanes de Barcelone (où le rencontre Joseph Sébastien Pons**). Michel Aribaud rédigera le fruit de ses recherches, cinq études qui vaudront à ce négociant fin lettré d’être désigné archiviste de la ville de Céret, à l’unanimité des membres du Conseil Municipal présidé par Onuphre Tarris, au début de l’année 1927.
Cette même année, Michel Aribaud, assisté de Jules Badin** crée la « Revue Vallespir », revue littéraire et artistique qui fera appel à toutes les bonnes plumes du département réunies au sein du comité de direction, Jean Amade, Pierre Camo, Joseph Sébastien Pons, Victor Crastre**, Frédéric Saisset**… et plus tard Edmond Brazès** et Jean Tallez, le sculpteur Manolo Hugué et le peintre Pierre Brune** étant les principaux collaborateurs artistiques. Cette revue trimestrielle paraîtra cinq années durant ; le dernier numéro paru fin octobre 1932 annonce la mort subite, le 14 de ce mois, de son fondateur, Michel Aribaud. Il disparaissait alors qu’il venait juste de faire paraître ce qui devait constituer la première série de l’ « histoire de la ville de Céret », sous le titreCéret autrefois,(Céret, éditions de « Vallespir », imprimerie F. Casteil 1932). Il ne restera rien de l’ensemble des notes prises entre 1909 et 1931, sa veuve ayant détruit tous les papiers qu’il avait laissés. Mais elle respectera ses dernières volontés en transmettant son testament par courrier à la municipalité qui, sur proposition d’Onuphre Tarris en réunion du Conseil Municipal du 8 décembre 1934 acte la volonté de créer un Musée : « Le local dans lequel seront rassemblées les œuvres du Musée en création portera l’inscription ‘Musée-Bibliothèque Michel Aribaud’. Monsieur Pierre Brune, artiste peintre, a été nommé conservateur de ce Musée ».Seize années s’écouleront avant que cette décision ne trouve sa réalisation. Telle est la dette de Céret à Michel Aribaud.
SOURCES :
Registres des délibérations des conseils municipaux de la ville de Céret de 1903 à 1950 – RevueVallespir du n°1 de l’année 1927 au n°4 de l’année 1931 – DUCHATEAU 2011 pp 64,75,79,88,92,99,106,133,135-137,140,144,152,155,158,160,167 ,169,170,174, 178, 180,199,202,209-210,231,263,268,270,298,299,302-303,337,355.
Yves Duchâteau
BIBLIOGRAPHIE GENERALE
DUCHATEAU Yves, La Mecque du Cubisme, Céret, Editions Alter Ego 2011, 361 p.